Bugaled Breizh : fin de l'enquête, les parties civiles veulent réagir

(AFP) - Nantes

Neuf ans après le naufrage inexpliqué du chalutier breton Bugaled Breizh, qui avait coûté la vie à cinq marins, les juges ont notifié jeudi la fin de leur enquête aux parties civiles qui continuent d'exiger, de leur côté, que la lumière soit faite sur l'implication d'un sous-marin dans le drame.

Si l'instruction du dossier a été clôturée mercredi, selon la procureure adjointe du parquet de Nantes Fabienne Bonnet, les parties civiles bénéficient encore d'un délai de trois mois pour faire des demandes d'actes complémentaires.

Et elles sont bien déterminées à utiliser cette dernière "fenêtre de tir" pour éviter le non-lieu, s'appuyant cependant sur des hypothèses divergentes.

Dès l'annonce de la fin de l'enquête, un avocat des familles des cinq marins décédés, Me Christian Bergot, a annoncé son intention de déposer une nouvelle demande d'investigation en lien avec la thèse, avancée par un expert, de la présence d'un sous-marin américain sur la zone du drame.

Il s'agit, selon l'avocat, de demander aux juges d'instruction, qui ont déjà interrogé la Marine américaine, d'interroger cette fois l'Etat américain, dont dépendait selon lui ce submersible au moment du drame.

Cinq marins sont morts en quelques secondes, le 15 janvier 2004, dans une zone où se déroulaient au même moment des man?uvres navales de l'Otan et de la Marine britannique impliquant des sous-marins de diverses nationalités. Le Bugaled Breizh, immatriculé au Guilvinec (Finistère), avait été retrouvé par environ 80 mètres de fond au large du cap Lizard (Grande-Bretagne).

Selon Me Bergot, l'expert Dominique Salles - ancien patron de la Force océanique stratégique française - a expliqué lors d'une de ses dernières expertises "que les Américains auraient surveillé un transport de déchets nucléaires qui a eu lieu le 19 janvier 2004, c'est à dire quatre jours après le naufrage". Selon l'avocat, l'expert affirme "que les Américains avaient dépêché sur zone un sous-marin pour faire du repérage et du renseignement".

 

Les juges d'instruction avaient interrogé la Marine américaine en demandant s'ils avaient un sous-marin nucléaire d'attaque sur zone, ce à quoi ils ont répondu non. Mais Dominique Salles a indiqué au juge d'instruction, dans une audition d'avril 2013, qu'il fallait interroger l'Etat américain", ajoute Me Bergot.

Dans la mesure où le sous-marin était détaché de la Marine pour les services de renseignements, pendant la mission il ne dépendait plus de l'armée", explique l'avocat.

"Ne pas se voiler la face"

Mais "à partir du moment où on n'arrive pas à identifier formellement le sous marin, on ira vers un non lieu, il ne faut pas se voiler la face", a souligné Me Bergot. "Il y a encore une fenêtre de tir, (cette nouvelle demande à l'Etat américain, ndlr), pour moi il faut l'utiliser", a-t-il conclu.

De son côté Me Dominique Tricaud, avocat de Thierry Le Métayer, fils de Georges Le Métayer, mécanicien du Bugaled, continue de croire à l'implication d'un sous-marin nucléaire d'attaque britannique, le Turbulent, une piste écartée par les juges nantais en février dernier.

Il devrait aussi demander des compléments d'enquête, a-t-il indiqué à l'AFP.

Selon lui, de nouveaux éléments auraient été transmis par les Britanniques à la France, or "il n' y a aucun nouvel élément anglais postérieur à 2011 dans le dossier", a-t-il affirmé.

"D'autre part, nous estimons que nous avons des éléments pour demander la mise en examen de (Andrew) Coles, le commandant du Turbulent", a ajouté l'avocat, qui a condamné "10 ans de mensonges gouvernementaux et de lâcheté de la justice" dans cette affaire.

Depuis le drame, les hypothèses se bousculent pour expliquer le naufrage. Mais en dépit de l'enquête du BEA Mer, qui a conclu en 2006 à un accident de mer, la responsabilité d'un sous-marin reste la thèse privilégiée par marins et avocats. Le submersible aurait accroché les funes (câbles reliant le bateau à son chalut) du Bugaled, l'entraînant brutalement par le fond.

Fin janvier en revanche, le parquet de Nantes, citant les conclusions d'une expertise avait indiqué qu'une présence "infime" de titane relevée sur les funes n'était "pas significative de l'implication d'un sous-marin".